EPILOGUE
Les Vosges ont toujours constitué une barrière naturelle aux
échanges des biens et des personnes entre l'Alsace et la Lorraine,
difficilement franchissable en raison du relief. La traversée de la
chaîne des Vosges a de ce fait été une très longue
bataille politique et économique âprement menée avec la
même ardeur par les Lorrains et les Alsaciens pour faire reconnaître
leurs droits et leur appartenance à la république française
et également pour développer les échanges d'une industrie
textile qui a marqué son siècle. Cependant, au lieu de défendre
une cause commune à propos d'un itinéraire clair, les vallées
vosgiennes ont défendu chacune leur propre projet et les querelles
liées à la multitude de choix possibles n'ont pas manqué
de produire des tensions qui n'ont fait que freiner l'intérêt
général et retarder sans cesse la réalisation des projets.
De plus, la guerre de 1870 et les deux guerres mondiales menées contre
les Allemands ont systématiquement fait échouer toutes les tentatives
de percée ou stopper les travaux.
Le viaduc d'Urbès est un des symboles illustrant les percées ferroviaires vosgiennes. Vestige abandonné d'une ligne inachevée, cet ouvrage marque la volonté déchue par les atermoiements politiques et par les guerres successives d'un peuple à s'affranchir des barrières naturelles. |
Les vallées vosgiennes et
alsaciennes payent encore maintenant par leur enclavement la malchance historique
liée aux trois guerres successives.
Le démentèlement des infrastructures et la désertification
des vallées vosgiennes côté lorrain, la fermeture ou la
délocalisation de toutes les usines et industries textiles des deux
côtés des Vosges est malheureusement une réalité
flagrante et irréversible.
165 ans après la réalisation de la ligne Mulhouse-Thann qui
semblait fort prometteuse et tournée résolument vers l'Ouest,
que reste-t'il de tout ces efforts dans les Vosges?
- La ligne Strasbourg-Saint-Dié,
dernière survivante des trois projets de l'entre deux-guerres, a été
jusqu'à présent maintenue en service commercial voyageur, mais
pour combien de temps encore? L'entente cordiale entre le conseil régional
de Lorraine et celui d'Alsace a permis pour le moment de préserver
cette liaison centrale, mais son avenir n'est pas assuré compte tenu
de la faible démographie des zones traversées côté
Lorrain et de la faible fréquentation des TER, particulièrement
entre Rothau et St Dié.
- Le tunnel de Saint Marie aux Mines réclamé à corps
et à cris pendant près d'un siècle par les habitants
des Vosges du Nord et qui assurait une liaison rapide entre Nancy et Sélestat
a été abandonné et sacrifié voilà plus
de trente ans par une poignée de gens irresponsables de tout bord qui
ne juraient que par la suppression et le démantellement des infrastructures
pour garantir le développement et la survie du chemin de fer. A l'heure
des gigantesques travaux pour assurer la sécurité du tunnel
transformé pour la route, alors qu'on s'acharne par tous les moyens
à rajouter une voie supplémentaire dans la pleine d'Alsace entre
Sélestat et Strasbourg pour fluidifier l'itinéraire Mulhouse-Strasbourg,
on ne peut s'empêcher de regretter et de condamner une décision
lourde de conséquence et de constater le manque total de clairvoyance
des différents responsables de l’époque. Néanmoins,
le positionnement trop central de cette liaison vosgienne à caractère
essentiellement régional, car débouchant sur des communes peu
importantes, lui retira toute considération prioritaire dans la stratégie
commerciale de la SNCF qui décida de l'abandonner en 1973, suite à
un déficit très important mais délibéré.
- Le tunnel de Bussang n'est plus qu'un vestige fantôme qui sombre lentement
aux oubliettes. Ce projet débuté après la crise économique
de 1929 et abandonné peu de temps avant le début de la deuxième
guerre mondiale est malheureusement né à une mauvaise période.
L'analyse de l'histoire de ce projet montre que l'ingérence du gouvernement
dans les procédures, la mauvaise estimation des coûts réels
faite par la société Vandewalle & Borie retenue pour le
percement conjuguée aux problèmes liés à l'augmentation
importante des coûts des matériaux et de la main d’œuvre
à l’époque des travaux n'ont fait que compromettre sa
réalisation, les atermoiements politiques et la deuxième guerre
mondiale lui portant le coup fatidique. Les tensions internationales s'amplifiants
avec la montée du nazisme et du mouvement mussolinien, les problèmes
du chantier de Bussang n'étaient plus devenus en 1937 une priorité
pour le gouvernement. Le projet par le col de Bussang fut alors sacrifié
au profit de celui de Ste Marie aux Mines, moins coûteux et plus avancé,
qui fut lui complètement achevé.
Aujourd’hui, il est important
de défendre le maintien des dernières liaisons directes ou indirectes
encore en activité entre l'Alsace et la Lorraine avant que celles-ci
ne ferment ou ne soient morcelées.
Si des fermetures au trafic commercial devaient être prononcées,
les Vosges redeviendraient un rempart naturel à l'échange des
biens et des personnes entre l'Alsace et le reste du pays, ce qui isolerait
d'avantage cette dernière, bien que le TGV symbole de la réussite
ferroviaire relie depuis juin 2007 Paris à Strasbourg en 2 heures 30.
La réalisation après 2010 de la deuxième branche du TGV
Est entre Baudrecourt et Vendenheim marquera, si elle se réalise, la
réalisation ultime des percées ferroviaires vosgiennes et clôturera
définitivement la longue épopée des liaisons trans-vosgienne,
mais ça, c'est une autre histoire!
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